Cette troisième année complète de mise en œuvre de l’expérimentation a confirmé nos intuitions. Comme le démontre notre deuxième bilan intermédiaire publié en septembre 2019, la triple conviction de départ est à nouveau vérifiée, deux territoires sont parvenus à l’exhaustivité du recrutement des personnes privées durablement d’emploi, deux autres en sont proches, et la dynamique territoriale est un facteur clef du succès de l’expérimentation.

Dans ce dernier bilan, nous pointons trois sujets clés pour le succès du projet : la structuration du management de l’expérimentation, la recherche d’un modèle économique pour les entreprises à but d’emploi (EBE) et la formation des salariés. Sur 2019 et le premier semestre 2020, l’équipe expérimentale a donc concentré ses efforts sur ces différents sujets. Nous avons établi une analyse visant le développement de la formation et la montée en compétences des salariés, elle se traduit d’ores et déjà, dans les EBE, par des actions concrètes. Le pilotage expérimental s’est structuré, aboutissant à des outils communs permettant de suivre l’avancée globale du projet et de formaliser les stratégies locales de mise en œuvre de la démarche. Quant au modèle économique des EBE, s’il n’est pas encore stabilisé, il est important de saluer la progression du chiffre d’affaires de ces 13 entreprises. Des EBE qui s’attachent à développer un management agile et inclusif garantissant l’accueil de tous, aidées en cela, notamment, par la signature d’un partenariat fort avec l’Agefiph.

Il est important de noter que les deux EBE conventionnées entre fin 2019 et début 2020 sont portées par des structures de l’ESS ou de l’IAE. Ces coopérations locales s’appuient sur le savoir-faire en organisation du travail des structures pour la production des emplois supplémentaires nécessaires au territoire.

Si 2019 a ainsi permis à l’expérimentation de faire encore davantage la preuve de sa pertinence, il est fondamental de noter l’adaptabilité et l’utilité des comités locaux pour l’emploi et des entreprises à but d’emploi dans la période de crise sanitaire que nous traversons.

Fort du soutien des services de l’État qui nous ont permis couvrir le risque financier, les territoires ont su répondre à l’urgence en assurant la protection des salariés, en maintenant la dynamique des collectifs de travail et en développant des activités utiles et fondamentales au mieux-vivre local : confection de masques, livraison de courses aux plus fragiles, épiceries et boulangeries ambulantes, soutien psychologique pour les plus isolés… Le management local du projet renforce l’efficacité et l’adaptabilité des réponses apportées et les EBE sont identifiées comme des acteurs dynamiques de proximité. Dans la reprise partielle des activités depuis la mi-mai 2020 les EBE font de nouveau preuve de réactivité, d’agilité et d’un vrai professionnalisme, auxquels s’ajoute une solidarité et une bienveillance particulièrement fortes au sein des collectifs de travail.

La crise sociale et économique que nous traversons actuellement confère au projet une place incontournable dans la construction d’un après où les questions sociales et environnementales seraient remises au centre. Dans la nécessaire transition qui s’engage, l’expérimentation TZCLD apporte une contribution décisive à la construction d’une « assurance emploi » qui permettrait d’éviter la chute dans un chômage d’exclusion tout en contribuant à développer des activités de transition écologique et sociale.

Il est en cela décisif de poursuivre cette expérimentation et d’étendre la mise en oeuvre concrète de ce droit à l’emploi sur les territoires volontaires grâce à une deuxième phase expérimentale. Deuxième étape expérimentale nécessaire à la construction d’une nouvelle page de la protection sociale de notre pays.

Louis Gallois
Président du Fonds d’expérimentation
contre le chômage de longue durée

La crise sanitaire que nous traversons, doublée d’une crise économique et sociale qui touche tout particulièrement les plus précaires, n’est rien face au « virus de l’exclusion 1 » qui ronge notre société depuis si longtemps.

Les propositions exprimées pour construire un après, où les questions sociales et environnementales seraient remises au centre, sont nombreuses. Le projet Territoires zéro chômeur de longue durée 2 constitue un puissant remède à l’exclusion et un des éléments nécessaires pour la construction du monde d’après.

Le droit d’obtenir un emploi est inscrit dans notre Constitution, sa mise en œuvre est impérative et il doit être un des piliers de notre système de protection sociale. Le projet TZCLD cible la privation durable d’emploi 3 qui détruit économiquement, professionnellement, mais aussi socialement les personnes concernées comme leur entourage et qui fragilise l’ensemble du tissu économique et social. En effet, il propose, sur un territoire, à l’ensemble des personnes volontaires, privées d’emploi, un emploi utile en CDI et à temps choisi afin d’éviter que les pertes d’emplois ne se transforment en chômage de longue durée, en chômage d’exclusion. Il s’engage à organiser la production d’emplois supplémentaires stables, de qualité et non-délocalisables à hauteur des besoins de la population.

Des territoires pionniers 4 qui construisent l’économie de demain

Sur les territoires engagés, personnes privées d’emploi, société civile, entrepreneurs, institutions et entreprises à but d‘emploi (EBE) contribuent ensemble, par l’animation des comités locaux pour l’emploi (CLE), à identifier les secteurs cruciaux pour la construction de l’économie et de la société de demain. Cohésion sociale, filières écologiques, les EBE interviennent spontanément dans les secteurs de la nécessaire transition. Valorisation des ouvrants non recyclés jusqu’à aujourd’hui, diagnostic précarité énergétique, médiation sociale, conciergerie senior, mobilité solidaire… autant d’activités nées du constat de leur carence sur les territoires. Le potentiel de développement des circuits de proximité, est de nature à élargir encore le panel de ces activités.

Par ailleurs, le projet Territoires zéro chômeur de longue durée est un puissant vecteur de cohésion et de lien social entre les habitants du territoire. La crise sanitaire que nous traversons l’a démontré une nouvelle fois. Les coopérations nouées par les équipes des CLE ne se sont pas distendues pendant le confinement et se sont adaptées, par nécessité, aux exigences de la crise. Dès les prémices du confinement, tous les territoires engagés dans le projet ont su répondre efficacement aux urgences locales. Nombreux sont ceux qui ont proposé des services solidaires pour soutenir les habitants fragiles et isolés. En toute sécurité pour les salariés et avec une agilité remarquable, les EBE ont innové pour adapter leurs activités : confection de masques, livraison de courses aux plus fragiles, épiceries et boulangeries ambulantes, soutien psychologique pour les plus isolés… Elles sont identifiées comme des acteurs dynamiques dans les liens de proximité sur les territoires.

Engager une transition où chacun prend sa place

La plus-value locale des activités et leur développement en fonction des compétences et des savoir-faire des personnes embauchées contribuent naturellement à redonner du sens au travail. Les personnes privées d’emploi, perçues comme des charges inutiles pour la société, redeviennent visibles et sont reconnues comme des acteurs incontournables de leur propre territoire.

Derrière l’expérimentation TZCLD se dessine un changement de société profond et nécessaire. Dans un manifeste publié en juillet 2019 dernier, les salariés des entreprises à but d’emploi ont mis en lumière les autres bénéfices de la reprise d’emploi. Ceux liés à la confiance retrouvée, à l’implication des personnes, au confort de vie apporté localement ou encore au regain de dynamisme pour le territoire. Nous tenons là une pièce maîtresse dans la construction de cet après que nous sommes nombreux à appeler de nos voeux : la participation de tous.

Aujourd’hui, plus d’une centaine de territoires se préparent en vue de l’extension de l’expérimentation TZCLD. Eux aussi innovent localement pour faire avancer le projet malgré la crise sanitaire et un contexte électoral souvent flou : Café-rencontres en visio, groupes de discussions et réunions de travail thématiques, test d’activité utile aux habitants, les coopérations se poursuivent. Accompagnés à l’aune de l’expérience des 10 premiers, ces futurs territoires organisent la démarche localement et se préparent pour garantir la réussite du projet, c’est-à-dire l’existence du droit d’obtenir un emploi pour tous.

Agir pour la construction d’une assurance emploi

L’assurance chômage, l’un des piliers de la protection sociale ne suffit plus à notre société riche et développée. TZCLD s’inscrit en complément de la politique de l’emploi actuelle, qui malgré les nombreux dispositifs existants, laisse de trop nombreuses personnes privées durablement d’emploi. Les territoires expérimentaux nous montrent la voie pour passer d’une volonté partagée à l’action : en agissant collectivement grâce au consensus local, en partant des savoir-faire des personnes privées d’emploi pour réaliser des travaux utiles, en organisant le travail de manière adaptée aux personnes, en construisant de nouvelles activités complémentaires à l’économie locale. Nous proposons, à travers les coopérations locales et en s’appuyant sur le savoir-faire en organisation du travail des structures d’insertion par l’activité économique ou des entreprises de l’ESS, de mettre en place une politique de production massive d’emplois solidaires.

Une transformation radicale qui joue la carte de la continuité : l’économie de marché ne produit pas en qualité et en quantité les activités nécessaires pour assurer à tous le droit à l’emploi. Il s’agit d’utiliser localement la dynamique entrepreneuriale pour convertir ces ressources passives en activités utiles localement capables de mobiliser les compétences de tous.

Une deuxième loi d’expérimentation permettra d’étendre la mise en oeuvre concrète de ce droit à l’emploi sur les territoires volontaires et ainsi de donner la possibilité aux acteurs mobilisés de construire ensemble une nouvelle page de la protection sociale de notre pays. C’est en effet en s’appuyant sur la dynamique des territoires que nous pourrons faire exister de manière très opérationnelle une nouvelle notion « d’assurance emploi » permettant d’éviter la chute dans un chômage d’exclusion tout en contribuant à développer des activités de transition écologique et sociale. Cette branche nouvelle de la protection sociale que nous proposons ici, combine deux assurances coordonnées : l’une pour un an, l’assurance chômage, assurant un revenu de substitution et facilitant les changements d’emploi, l’autre à partir de la deuxième année, l’assurance emploi, pour garantir un emploi adapté à tous ceux qui en sont privés.

Dans la nécessaire transition sociale et environnementale qui s’engage, l’expérimentation TZCLD apporte une contribution décisive à la construction d’une « assurance emploi ».

1 “Le chômage d’exclusion” Patrick Valentin, Chronique Sociale, juillet 93.
2
Site Internet ETCLD
3 “TZCLD, la privation d’emploi pour cible ” Note ETCLD-TZCLD « 
4 Pré-rapport Labo de l’ESS “Dynamiques collectives de transitions dans les territoires”

L’expérimentation s’adresse aux personnes durablement privées d’emploi. L’objet de la présente note est d’exposer comment les territoires expérimentaux analysent la notion de privation d’emploi et font exister le droit à l’emploi.

Une personne privée durablement d’emploi (PPDE) est une personne volontaire pour intégrer le projet qui exprime, dans un dialogue avec le comité local pour l’emploi (CLE), le fait qu’elle n’arrive pas à accéder à un emploi décent dans les conditions normales du marché du travail de son territoire.
Cette privation s’exprime différemment selon la réalité du marché de l’emploi local, les possibilités et les besoins de la personne. Une personne peut, par exemple, se trouver en difficulté parce qu’elle ne parvient pas à trouver d’emploi suffisamment stable ou rémunérateur pour loger décemment sa famille et lui apporter la sécurité nécessaire, ou qu’elle subit un temps partiel en raison de contraintes familiale ou de mobilité.

La privation durable d’emploi est un sujet particulièrement consensuel au sein des comités locaux. En effet, la privation d’emploi a été définie sur chaque territoire de manière collective avec les membres composant le Comité local pour l’emploi à savoir des représentants institutionnels (État, Pôle emploi, Mission locale, Conseil départemental, Conseil régional, Maison de l’emploi et de la formation…), des employeurs du territoire (entreprises, chambre consulaire, réseaux d’entreprises, représentants des structures de l’insertion par l’activité économique (SIAE) et établissements et services d’aide par le travail (ESAT), associations et acteurs représentatifs du tissu économique du territoire…) et des représentants des salariés et des privés d’emploi (syndicats, association représentative des chômeurs ou PPDE…). Cette définition est donc liée à la connaissance fine des caractéristiques du tissu économique du territoire, de sa population et des personnes concernées. Ainsi, 90 % des cas qui se présentent aux CLE des dix territoires expérimentaux ne nécessitent pas d’arbitrage. Le travail d’analyse complémentaire sur les situations qui le nécessitent permet aux CLE de construire progressivement leur outil d’analyse territoriale.

C’est donc sur une minorité de personnes volontaires que le travail des CLE nécessite un arbitrage. Pour ces cas, l’appréciation de la privation durable d’emploi des personnes se fonde sur des éléments visibles territorialement. Chaque territoire a organisé les conditions pour statuer sur l’éligibilité des cas pour lesquels une analyse plus fine s’avère nécessaire. À ces échanges sont associés, directement ou dans la définition des critères territoriaux, les services de l’État et les institutions du service public de l’emploi local (Pôle emploi, Mission locale, Direccte…).

Lire la note complète

Louis Gallois, Président d’ETCLD

Louis Gallois, président du Fonds, présente le deuxième bilan de l’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée, publié par le Fonds début septembre 2019.

Quels sont les enseignements majeurs de ce 2e bilan intermédiaire ?

Le deuxième bilan intermédiaire de l’expérimentation confirme largement les conclusions du premier. Il permet aussi d’insister sur certains défis qui sont apparus plus prégnants à mesure que l’expérimentation gagnait en maturité :

  • La triple conviction de départ est à nouveau vérifiée : nul n’est inemployable dès lors que l’emploi est adapté aux capacités et aux compétences des personnes. Les travaux utiles, non concurrents des emplois marchands et des emplois publics, sont d’une grande diversité autour des trois thématiques : la cohésion sociale et la lutte contre l’exclusion, la transition écologique et le développement du tissu économique local. Enfin les financements existent dès lors que l’on prend en compte le coût de la privation d’emploi de longue durée pour les collectivités publiques et les recettes générées par la mise à l’emploi au profit de ces mêmes collectivités.
  • Deux territoires sont pratiquement parvenus à l’exhaustivité, concernant les personnes ayant exprimé leur souhait d’être embauchées ; ce qui confirme qu’elle est un objectif réaliste, même s’il paraît plus rapidement atteignable en zone rurale ou semi rurale qu’en zone urbaine.
  • La dynamique territoriale apparaît toujours essentielle pour le succès de l’expérimentation ; il convient de rester vigilants sur sa robustesse et sa qualité.

Quels sont les principaux enjeux pour la suite de l’expérimentation ?

Trois sujets apparaissent désormais clés pour le succès de l’expérimentation. La formation des salariés des EBE, tout d’abord, car elle est essentielle pour permettre à ces derniers de progresser et d’accroître la valeur ajoutée de leur activité. Le management de l’expérimentation, ensuite, avec une clarification nécessaire des rôles respectifs des Comités locaux (et leur équipe projet), des Conseils d’administration d’EBE et des directeurs d’EBE, ainsi qu’une meilleure structuration des organisations au sein des EBE. La création de nouvelles entités au-delà de 80 à 100 salariés paraît nécessaire. Enfin, le modèle économique des EBE doit assurer leur pérennité : cela suppose un équilibre entre la progression des recrutements vers l’exhaustivité et la croissance du chiffre d’affaires.

Ce 2e bilan confirme-t-il la nécessité d’une 2e loi pour prolonger et élargir l’expérimentation ?

On le sent bien, la dynamique de l’expérimentation est liée à son extension. Les territoires actuels y trouveront la visibilité qu’ils recherchent sur leur avenir. Cette extension ne peut qu’enrichir les pratiques, mettre en valeur la diversité des situations et augmenter la probabilité de succès. Mais surtout, cette extension a, en elle-même, une capacité de mobilisation sans pareille de tous les acteurs, au plus près des territoires, pour mener la lutte contre le chômage de longue durée et assurer le droit à l’emploi pour tous. Le nombre des territoires candidats à une deuxième étape de l’expérimentation en est l’illustration. Il est ainsi essentiel qu’une deuxième loi permette d’engager cette deuxième étape aussi rapidement que possible.

Pour aller plus loin :

Deuxième bilan intermédiaire de l’expérimentation

Synthèse

Annexes

Pour consulter le premier bilan intermédiaire (publié fin 2018) :

Premier bilan intermédiaire de l’expérimentation

Synthèse

Annexes